A quel moment devient-on fanatique?

En me posant cette question, j’ai cherché l’origine du terme « fanatique ». Ce mot, qui vient d’abord de fanum le temple, désigne les personnes qui se disent inspirées par Dieu, qui se perçoivent comme les réceptacles de sa colère. En bref, le fanatique se prend pour Dieu et se permet d’agir en son nom.
La Bible (où l’on rencontre aussi des individus de ce type) propose d’autres pistes de travail.
Dans le livre des Psaumes, les prières montrent un croyant qui s’interdit la violence. Il la souhaite, il sait qu’il la souhaite et cette réflexivité lui donne suffisamment de recul pour s’interdire le passage à l’acte. Conscient de sa violence et se sachant incapable de la dépasser, il remet dans les mains de Dieu son exécution. C’est ce qu’on appelle un aiguillage théologique, une diversion, un plan B. Même si on peut souhaiter mieux comme vie spirituelle ou comme représentation de Dieu, cette vision des choses a dû sauver pas mal de vies.
Une autre piste est présente en Matthieu 25, texte qui transmet un enseignement de Jésus où il explique à ses disciples que chaque fois qu’un prisonnier ou un malade est visité, que l’on nourrit quelqu’un qui a faim ou que l’on donne à boire à quelqu’un qui a soif, c’est à Dieu lui-même qu’on le fait. A bien y regarder, ce texte propose exactement l’inverse de la logique fanatique. Alors que le fanatique veut imposer le Dieu qu’il a en lui, ce passage propose d’accueillir Dieu en l’autre. Dans les deux cas, Dieu est présent à travers des personnes. Dans le fanatisme, la compétence travaillée est la supériorité, dans l’autre, c’est l’écoute. Dans le fanatisme, tout le monde en meurt physiquement et spirituellement. Dans l’aiguillage de Matthieu 25, tout le monde en vit. Mieux.

Réponse d’Etty Hillesum à une question qui pourrait être la nôtre

« C’est la seule solution, vraiment la seule, Klaas, je ne vois pas d’autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il n’est déjà. »