Cher Noé, cher Jonas (9)

Dimanche 2. Comment allez-vous ? Comment on fait pour survivre à l’angoisse ? A la peur de mourir noyé ou étouffé ? A la peur de la mort des autres ou de ne plus les revoir? Vous connaissez ce long tunnel qui n’en finit pas ?
Ici, la nouveauté ne vient pas seulement du confinement. Il vient que la mort est devenue le sujet permanent de toutes les informations. Nous n’étions pas habitués. La mort avait totalement disparue ou s’était éloignée très loin, dans des pays en guerre justement. La mort était devenue la part invisible de nos vies ou très privée quand elle venait à concerner nos proches. Pour le reste, il n’y avait que des morts théoriques : le nombre d’SDF en hiver, le nombre d’accidentés de la route depuis le passage au 80km/h, le nombre de morts de la grippe, quelques décès de stars très médiatisés… Des morts qui n’étaient pas exactement ce que nous sommes. Depuis que nous sommes enfermés à la maison sans sortir, les morts ont envahi les hôpitaux et les médias. Un énorme décompte s’est mis en place qui rend compte des malades, des urgences, des décès. Nous assistons passifs à ces chiffres qui nous tombent dessus et nous font peur. Nous voyons des images et des soignants épuisés. C’est peut-être un peu le but d’avoir peur mais le choc est grand entre avant et aujourd’hui. Une peur qui n’est accompagnée que de peu de paroles et que de peu de sens. (Michel Serres, tu nous manques! ) La peur ne peut pas prendre l’espace laissé par nos vies car sinon le virus gagnera ce qu’il n’aura pas tué.
Oui, il s’agit de faire face et de rester vivant. Il s’agit d’être suffisamment en forme pour que le virus s’épuise à notre rencontre, pour que, lui, prenne peur s’il nous trouve sur son chemin. Il s’agit qu’il soit mort de trouille à notre place !
À très bientôt
Bises
Marie-Laure

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