Cher Noé, cher Jonas (13)

Cher Noé, cher Jonas,

Notre connaissance du confinement progresse de jour en jour…Aujourd’hui j’étais sensible aux variations de l’espace dans mon arche personnelle. C’est étonnant comment la perception de l’espace peut varier en fonction de notre état d’esprit. Étouffer dans un environnement étroit quand le moral est en baisse, respirer et ressentir une grande place quand une bouffée de sérénité traverse notre esprit. L’arche grandit et rétrécit en fonction de notre humeur. Notre ego, nos peurs, nos espoirs, nos craintes, tout ce qui nous traverse fonctionne comme notre arche. Peut-être que notre esprit lui-même est une arche dans lequel nous abritons tout ce que nous vivons. L’autre jour, l’idée m’est venue que notre vie était peut-être une sorte de confinement duquel nous sortons à notre mort. C’est une drôle d’idée mais qui m’a rendu la journée intéressante. J’aime bien imaginer que la liberté que nous croyons être totale en temps normal pourrait n’être qu’une inscription dans des limites étroites : notre corps, notre histoire, nos gênes, nos souvenirs. Tout cela nous confine et fait que cette vie est la nôtre. Il ne nous viendra pas à l’idée de nous sentir enfermés. Nous n’avons pas mal vécu le confinement de 9 mois dans le ventre de notre mère. Nous aimons notre confinement dans cette vie et nous nous révoltons dès que l’espace se rétrécit. Nous nous tenons chauds dans nos vies respectives. Le confinement est donc une affaire de points de vue, de liberté imaginée ou retrouvée, d’attente d’autre chose ou pas, de lassitude ou de gratitude.
Jonas, je comprends maintenant que tu ais été avalé par un grand poisson. Je pense en fait qu’au départ le poisson qui t’a avalé était petit. Mais au fur et à mesure de tes prises de conscience à l’intérieur du poisson, l’espace s’est élargi et le poisson a grandi. Sans fausse modestie, qu’en penses-tu ?
J’espère que toutes ces lettres ne vous ennuient pas trop,
merci de votre soutien,
See you
Marie-Laure

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