Cher Noé, cher Jonas (20)

Cher Noé, cher Jonas,

Aujourd’hui deuxième seder de Pessah pour les Juifs et jeudi saint pour les catholiques et les protestants. Deux repas. Deux moments autour d’une table où il devrait s’agir de se dire des choses importantes avec les personnes en présence. Étonnamment cette année, le calendrier fait coïncider ces deux dates comme dans certains Evangiles où l’on voit Jésus commémorer la sortie d’Egypte, la libération de l’étroitesse, la confiance au Dieu qui fait sortir…Le fait de pouvoir célébrer la libération quelques minutes avant d’être arrêté est un des paradoxes dont l’Evangile a le secret. J’aime cette écriture qui déjoue toute les lectures faciles. J’aime le côté cash avec lequel l’Evangile nous montre que célébrer la libération ne met pas la personne à l’abri de sa vie.
Jésus mange avec ses disciples son dernier repas en se souvenant de l’action de Dieu. Il fait ce qu’il a à faire. Il ne squeeze pas les étapes, il ne marchande pas sa propre libération, il ne remet pas en question la libération passée au vue de la situation actuelle, il a le courage de continuer à s’occuper de ses disciples et à leur enseigner ce que c’est que de vivre. Il reconnaît que dans le passé Dieu a sauvé. Et la gratitude, c’est parfois le maximum qu’une personne puisse faire dans les moments les plus difficiles. Et c’est déjà énorme. Ne pas douter que ce qui a été beau l’a vraiment été, ne pas laisser ses doutes sur le présent envahir la mémoire. Ou l’espoir.
Ces deux repas sont précisément là pour dire l’inverse. Du passé, de l’histoire, de notre histoire nous remontent une confiance, des convictions auxquelles nous avons pu adhérer, l’expérience que nos vies valaient plus que le nombre des années. Ce soir il s’agit de manger en se racontant des histoires pour se rappeler que la vie est plus forte. Il s’agit de faire du sens précisément au moment où rien ne nous y invite si ce n’est la confiance que quelque chose, quelqu’un est à l’oeuvre dans le chaos. Ce soir, il s’agit d’écouter la voix d’une confiance ténue.
Je vous embrasse
Marie-Laure

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