Cher Noé, cher Jonas (21)

Cher Noé, cher Jonas,

J25. Vendredi saint. Nous y sommes. Les chrétiens célèbrent la mort de Jésus au moment où chaque jour nous faisons tous le décompte des morts liés au virus. Apparemment cela ne nous change pas beaucoup. Nous avons l’impression d’être cernés par la disparition, l’absence et les difficultés d’inhumation. La mort de Jésus rejoint toutes ces morts. Les souffrances et le désarroi se rejoignent par le fond. Aujourd’hui c’est un jour pour laisser s’exprimer nos peurs, les souffrances qui nous traversent, le désespoir, la tristesse et les angoisses qui nous habitent. D’une certaine manière, c’est un bon jour. Nous pouvons donner de la place à ce que nous avons du mal à entendre les autres jours. Demain, nous commencerons à remonter vers la lumière. Demain nous pourrons le faire parce que ce soir nous acceptons d’être au fond. Au fond de l’obscurité et de ce qui nous déplaît. Au fond de nos vies. Au fond de situations que personne souhaiterait avoir à vivre. C’est une grand chance de toucher le fond car nous allons pouvoir prendre appui. Au fond, nous ne risquons plus rien de grave.
Ce soir je pense à Joseph d’Arimathée et Nicodème qui enterrent Jésus au moment où tout le monde est parti s’abriter, se cacher, se changer les idées. Eux deux acceptent de rester au fond un plus de temps que les autres pour prendre soin du corps, sans autre espoir que d’enterrer dignement celui dont ils ont apprécié la présence. Cette année, ils me font penser à tous les soignants qui sont en apnée depuis plusieurs semaines.
Merci à vous deux d’avoir accepté de rentrer au fin fond d’une arche, d’une baleine ou d’une obscurité. Merci à tous ceux qui nous ont précédés dans cet enfouissement.
À demain,
Marie-Laure

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