Cher Noé, cher Jonas (31)

Cher Noé, cher Jonas,
J 35. L’eau baisse mais le ciel est gris. Notre impuissance est devenue palpable. Il ne s’agit pas de la liste de ce que nous ne pouvons pas faire en étant confinés. Le confinement a trait au non-agir. Non, nous comprenons que l’humanité ne peut pas tout, ne sait pas tout, ne comprend pas tout. Une claque ! L’impuissance révèle tout ce que nous ne pouvons pas faire. Tout ce que nous aimerions réaliser pour soi et encore plus souvent pour les autres (guérir, éviter, alléger, rendre l’insouciance, préserver, consoler…) et que nous nous retrouvons dans l’incapacité de faire. C’est la prise de conscience que notre coeur est plus gros que nos compétences, que nous ne sommes pas à la hauteur de ce que nous souhaitons. Oui, cela évite de se prendre pour un super héros et de faire du despotisme éclairé (ou pas). Nous aimerions passer en force, faire la pluie et le beau temps de soi et des autres dans le seul but d’éviter de souffrir et d’éviter la souffrance des autres. Mais, au fond de notre conscience, cette impuissance nous met devant le constat que nous n’éviterons pas la souffrance. C’est cela qui nous tire vers le bas et le fait d’autant mieux que nous sommes dans une situation où nous sommes déjà cernés par nos limites du moment. Voilà donc un monstre de qualité, un de ceux qui nous laissent pieds et poings liés. Face à l’impossibilité de pouvoir agir, il nous reste la force de nos questions. Si ce que nous voulons n’est pas possible, il est temps de nous interroger et de choisir un autre chemin, d’autres options. L’impuissance est le signe que ce chemin est maintenant à repenser. Si nous ne pouvons plus décupler nos forces il reste à penser différemment notre rapport au monde, d’inventer d’autres façons d’agir, d’être, de rentrer en relation. Ne pas pouvoir nous oblige à agir autrement. Quel chemin est-il possible d’inventer pour faire face à la situation ? L’impuissance est une possibilité d’ouvrir le réel. Les jours qui viennent s’annoncent être un terrain de jeu formidable pour s’entraîner : repérer l’impuissance et inventer un autre chemin. Je pense avoir trouvé mieux qu’un puzzle.
Je vous embrasse,
Marie-Laure

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