Cher Noé, cher Jonas (34)

Cher Noé, cher Jonas,
Le soleil revient, l’eau baisse, la fatigue fait un peu plus surface au moment où nous envisageons le futur. Nous sommes encore dans l’Arche, solidaires de ce destin commun. L’occasion de vous dire que je ne crois pas que ce virus soit un ennemi, quelque chose ou quelqu’un qui consciemment nous voudrait du mal. Non, le virus n’a pas ce pouvoir, il en a d’autres… Nous n’avons pas d’ennemis de ce type et donc nous ne sommes pas en guerre comme nous l’avons été dans l’histoire. S’il y a un ennemi, il vient de l’intérieur. Dans ce contexte d’incertitudes, de désespoir et de craintes, nous sommes notre propre ennemi. C’est de l’intérieur que la division peut venir et cette division peut prendre de nombreux aspects. Nous pouvons ne plus croire en nous et ne plus nous reconnaître. Ou nous détester et nous trahir. Nous pouvons ne plus vouloir coopérer avec d’autres pour construire le monde qui s’annonce et nous couper de la vie avec les autres. Nous pouvons nous désolidariser de nos rêves, de nos espoirs ou de nos valeurs, de tout ce que l’on croyait vrai, beau et bon. Nous pouvons nous lâcher, nous abandonner à la suspicion et à la crainte de nos voisins, de nos collègues, de tous ceux que l’on croise. Là est l’ennemi. Dans cette séparation ténue qui nous met en retrait ou à part. Oui, il y a un ennemi, il est dedans et le seul moyen que nous avons pour le faire disparaître est de le reconnaître, le faire sien, le recoller à ce que nous sommes. Avant de sortir, nous pouvons enlacer cette part de nous-mêmes pour ne pas avoir à accuser l’extérieur de cette séparation entre soi et soi. Voilà, un virus, pas un ennemi. Et la proposition de recoller à sa vie et à son histoire. Nous sortirons de l’Arche en paix, avec des copains encore inconnus à rencontrer.
Je vous embrasse,
Marie-Laure

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