Cher Noé, cher Jonas (48)

Cher Noé, cher Jonas,

Nous avons lâché une colombe qui n’est toujours pas rentrée. Si lundi, elle n’est pas revenue, nous déconfinerons. Prudemment. Je commence à envisager la sortie. L’occasion, déjà, de regarder un peu de haut toute cette affaire. Les Grecs anciens avaient un concept intéressant. Ils parlaient d’Arkhê kakon. Arkhê, c’est le début, l’origine, le point de départ. C’est le mot qui a donné archétype ou archaïsme. Kakon, c’est le mal, les maux, en français cela a donné la cacophonie, le désordre…Arkhê kakon, c’est le début des maux ou l’origine du désordre. Alors que nous allons tous ressortir pour continuer notre vie dehors mais masqués et les mains propres, je me pose aujourd’hui la question de l’origine de tout cela et l’exercice n’est pas simple. Quel est au fond l’origine du chaos sur lequel nous avons navigué pendant plusieurs semaines. Est-ce la faute d’une chauve-souris ou d’un pangolin ? Est-ce les personnes qui les ont mangés en pensant se soigner ? Est-ce une fuite dans un laboratoire ? Ces trois questions visent l’origine factuelle, physique à l’apparition du virus et qui a pu donner lieu à tout un tas d’hypothèses. Mais l’arkhê kakon est une investigation plus large et plus fine. L’origine de nos maux ne serait-ce pas plutôt le mensonge de l’État chinois, sa volonté de ne pas perdre d’argent avec une économie réduite, son retard dans l’information, son copinage avec l’OMS ? Dans ce cas, le commencement des problèmes est d’ordre économique et du côté de la politique internationale. Et si l’origine du chaos avait été notre incapacité à faire face techniquement, l’absence de masques, de respirateurs, de gel, de gants, de thermomètres, d’infirmières…Si, c’est cela, le problème est celui de notre politique nationale, nos choix sociétaux, nos votes. Mais le point de départ est notre culture, notre propension à nous faire des bises, à nous toucher, à aller au café et au cinéma alors cela devient un problème culturel. Peut-être que la source du chaos est notre manque d’hygiène, notre peu d’entrain à nous laver les mains et notre incapacité à nettoyer. Oui, c’est une source possible…Ou alors, il n’y a pas de maux, pas de chaos, pas de problème. Le seul générateur de désordre est notre esprit, notre difficulté à nous adapter aux cas de figures différents que la vie nous propose, notre incapacité à accepter ce qui nous déplaît. Arkhê kakon. Ce qui nous arrive est une chose, dépendante d’une origine qui nous échappe. Et pourtant à chaque étape, à chaque moment, à chaque acteur tout se rejoue, tout peut aller dans un sens ou dans un autre, tout peut changer la donne. C’était vrai avant l’Arche, c’était vrai dedans, cela sera encore vrai dehors.
Je vous embrasse
Marie-Laure

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