Cher Noé, cher Jonas (50)

Cher Noé, cher Jonas,

J’espère que vous allez bien. Nous sommes à J-2 ! J- 2 ! Tout va très vite depuis ces derniers jours. D’une certaine manière, nous sommes déjà déconfinés en train de faire des plans sur la comète, d’organiser des rencontres, de rouvrir notre agenda, de nettoyer les sacs, de mettre bon ordre à nos papiers. Quelque chose a changé qui rend l’atmosphère beaucoup plus légère. Pourtant, rien n’a changé depuis une semaine. Tout est dans notre tête. Nous étions dans une certaine profondeur, concentrés pour ne pas se laisser aller, pour tenir la distance. Depuis des semaines, nous avons été soucieux de faire un travail sur nous-mêmes, pour éviter de craquer, grossir, pleurer, crier, boire, fumer ou être totalement décalés,… tel un ascète évitant de se faire ni trop d’illusion ni trop d’espoir. Il y avait de la discipline et de la maîtrise dans nos vies. Une forme de sobriété un peu obligatoire. Tout cela nous a permis de descendre au fond des choses et de tenir. L’interrogation sur les émotions, le sens de la vie et de l’action étaient des passages presque obligés pour arriver à faire sens de tout cela. Être lesté de la sorte a permis de réfléchir à l’existence à un niveau que l’on ne réussit pas à atteindre dans la vie de tous les jours. Nous avons été comme ces plongeurs qui mettent du poids à leur ceinture pour pouvoir rester sous l’eau travailler. D’une certaine manière, Jonas, c’est à cela qu’a servi ce gros poisson. A descendre, à ne pas rester à la surface des choses. A aller tout en bas pour comprendre des choses qu’on ne comprend pas tout en haut ! Et voilà ! Il a suffi de deux ou trois jours pour que nous remontions tous à la surface. De façon imperceptible, nous avons quitté le niveau de présence dans lequel nous étions et avons repris contact avec la vie à un niveau beaucoup plus léger, superficiel, rapide, vaporeux, moins dense. Comme tout cela est allé vite ! Hier nous discutions encore posément de la vie et de l’être et tout d’un coup, le zapping et l’apparence sont là à, de nouveau, régir nos vies. Les discussions d’hier nous agacent, nous font perdre notre temps…La rapidité avec laquelle la remontée vient de s’opérer est incroyable. Si tout cela n’avait pas été collectif, peut-être faudrait-il se pincer pour croire, déjà, à ce que nous venons de vivre.
Il restera que nous avons fait l’expérience d’un autre niveau de conscience et d’action. Il restera un chemin vers les grands fonds, difficile, exigeant, mais vivifiant. Il restera, pour beaucoup, la découverte d’un espace intérieur.
Je vous embrasse.
Marie-Laure

pour le moment, auteur inconnu…je cherche…

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