Retour vers le concret

Mis en avant

Créer c’est suivre son intuition et, de temps en temps, aller voir ailleurs pour mieux revenir à ce que l’on cherche à faire. J’avais déjà mis sur l’établi du sens cette vidéo amateur d’un homme en train de danser dans sa cuisine. Je renouvelle l’expérience avec ce clip, déjà un peu vieux, beaucoup plus professionnel mais qui, quand je le regarde, me fais penser aux mêmes choses. J’y vois ma vie (mes paysages, ma culture, ma langue, mes souvenirs, des détails du quotidien quand c’est l’été, qu’il fait très chaud et que l’on se déplace lentement.) Les paroles ne disent rien d’autre que l’histoire d’une femme qui se regarde dans un miroir et qui se trouve encore belle. Dans ce clip de « La mal coiffée » (groupe de polyphonie occitane), j’apprécie cette façon de faire de la poésie avec du très concret, du rien, vraiment rien, une chaise longue, des tomates, une cour de ferme, une cave coopérative, un verre de vin ou de café. Ce qui fait la vie des gens sur cette terre, à cet endroit là. Cela n’a l’air de rien mais l’interprétation est partout et c’est elle qui permet de donner du sens au concret de nos vies.

In Silence We Speak

Mis en avant

C’est la deuxième vidéo de danse pour l’établi du sens. Elle est signée du talentueux et très créatif chorégraphe Benjamin Millepied, l’ancien directeur artistique de l’opéra de Paris. J’aime l’énergie de ses créations. J’aime ce côté fluide et dynamique comme si tout était finalement possible. Comme si tout ce qui nous empêchait d’y aller se réduisait à l’ego.

La vidéo ci-dessous est un extrait de In silence We speak. Je suis touchée encore et encore par ce que j’y découvre à chaque fois que je regarde l’extrait. Ce qui me plait c’est que les deux danseuses, malgré les apparences, ne font pas les mêmes gestes au même moment. Elles ne sont pas tout à fait synchro. Il y a un décalage. Un retard. Une différence. Une singularité. J’aime bien cette idée de la pluralité.

Cela rejoint la pluralité des interprétations. C’est vraiment beaucoup plus beau quand le texte est lu autrement, à chaque fois, par chacune des personnes. Les deux danseuses interprètent la même musique et la même danse mais le font à leur manière. C’est fluide. C’est vivant. Elles obéissent à autre chose qu’à des consignes. Ou plutôt elles obéissent aux consignes à leurs manières. C’est ce qui fait toute la différence entre une troupe de majorettes et un artiste. Et pourtant il y a peu d’ego dans leur interprétation. Rien n’est en force malgré le gainage musculaire nécessaire aux mouvements contrôlés. Pas de je souverain. Rachelle Rafailedes et Janie Taylor laissent passer à travers elles. C’est ce qui permet autant de douceur et autant de vie.

Créer dans la cuisine

Il y a quelque chose de très réjouissant à voir danser ce garçon au bonnet dans sa cuisine. Quelque chose de très ancien et de très moderne. Les rideaux blancs brodés et la chaise en formica ne sont pas modernes, ni la bourrée dansée déjà par ma grand-mère. Mais il y a quelque chose dans l’attitude de ce garçon, qui pose une caméra par terre pour se filmer, d’infiniment libre. De créatif et de léger.
C’est peut-être une obsession, mais c’est aussi un peu cela l’interprétation biblique, le mélange d’une danse venue du passé, avec une interprétation affranchie des contraintes académiques. Et pourquoi ne pas danser tout seul dans sa cuisine avec un bonnet sur la tête?

Merci à lui pour cette liberté!