Cher Noé, cher Jonas

Je me permets de vous écrire pour vous demander quelques conseils. Voilà maintenant 4 jours que nous sommes confinés et pour tout vous dire, c’est une vraie surprise. Aucun être humain n’est préparé à être confiné. Ni à être enfermé, interné, séquestré, hospitalisé, emprisonné…Une personne n’est pas créée pour rester entre quatre murs et les jours qui nous attendent s’annoncent un peu compliqués pour nous tous. J’ai donc pensé à vous (Je ne connais pas personnellement Thomas Pesquet). Je n’ai pas trouvé d’autres personnages bibliques aussi compétents que vous, mais je vais continuer à chercher. Bien entendu, je suis consciente que vos situations n’ont rien à voir. Entre plusieurs semaines dans une arche et trois jours dans le ventre d’une baleine… Tout compte fait, je préfère être confinée chez moi. Mais attention, je n’ai pas dit que c’était facile. Je regarde mes livres, j’ai du travail à faire et pourtant il me manque l’envie. J’ai une to do list longue comme le bras, jusqu’à nouvel ordre j’ai rangé mon agenda, je ne recharge plus les lampes du vélo avec lequel je vais à la gare chaque matin, (quand nous ressortirons il fera jour matin et soir et je devrais ranger la lampe dans les affaires d’hiver), les conférences à préparer sont reportées à l’année prochaine. J’ai donc de la marge. Et c’est là tout le paradoxe : je ne sais pas quoi entreprendre ! Je tourne, commence à réfléchir à quelque chose, je m’arrête, je fais autre chose. Je tourne comme un poisson dans un bocal…enfin euh pardon…comme un oiseau en cage. Voilà donc quelque chose d’étrange. Mon emploi du temps a été libéré et j’ai confiné ma créativité. Auriez-vous une explication ? Trop de temps libre tue le temps libre, c’est cela ? C’est quand même une étrange situation d’avoir autant de temps libre dans un si petit espace. En fait, c’est l’inverse de d’habitude où il nous est possible d’aller partout et où nous courons d’un endroit à l’autre sans bien savoir où nous sommes. Aujourd’hui tout cela s’est inversé. Nous savons dans quel lieu nous sommes et nous cherchons ce que nous pourrions bien faire de notre temps. Peut-être que pour la première fois depuis bien longtemps, nous sommes revenus à l’endroit, d’aplomb, apte à vivre. Si c’est cela, nous allons réapprendre à être réels. Bon… les débuts sont un peu compliqués. Je vais creuser cette affaire, j’aurais l’occasion de vous en reparler. J’ai bien-sûr beaucoup d’autres sujets de discussion sur lesquels j’aimerais avoir votre avis.
Pour info et après réflexion, j’ai décidé de continuer le Carême. La question s’est quand même posée parce que être confiné et ne plus manger de chocolat, c’est un peu la double peine. Quel paradoxe ! Après avoir tant cherché à savoir de quoi j’allais me priver, finalement j’ai été privée de sortir. Mais après réflexion, il ne faut pas tout mélanger. L’un est une obligation qui me tombe dessus, l’autre est une décision de ma part. Et comme dit Martin Buber. « Le monde a été crée en vue du choix de celui qui décide. » (Judaïsme, p.67) Notez qu’il y a quand même un point commun. Le confinement, c’est le fait de ne pas trop s’éloigner et le Carême est une occasion de rentrer chez soi, de revenir au plus près de sa vie. C’est réussi…
J’arrête là pour aujourd’hui. On reste en contact.
See you.
Marie-Laure

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