Cher Noé, cher Jonas

Cher Noé, cher Jonas (6)

Il a plu toute la nuit. Dehors l’eau monte et continue de monter. Les médias eux-mêmes disent que la décrue n’est pas attendue avant…L’eau monte. Nous voilà engagés dans un drôle de voyage et certains sont sur le pont. Merci à eux. Je continue aujourd’hui à m’interroger sur ce qui nous sert d’abri, de mise en lieu sûr. Hier le confinement, aujourd’hui l’arche et le poisson.
Dans le texte biblique, le mot qui a été traduit par arche en français est le terme tévah . Tévah  signifie une boite, un coffre. C’est le même mot qui est employé pour décrire la caisse dans laquelle Moïse est mis pour échapper à la mort de tous les hébreux voulue par pharaon. C’est cette caisse qui sera posée au bord du Nil et qui sauvera Moïse de la noyade. L’une est en bois, l’autre en osier. L’une a la taille pour accueillir toute une ménagerie, l’autre a l’espace pour un bébé de trois mois. Mais c’est le même mot, ce qui signifie que c’est la même fonction, le même projet qui se poursuit. Aujourd’hui, dans les synagogues séfarades, la tévah désigne le pupitre sur lequel le rouleau de la Torah est posé pour la lecture. Tévah, c’est donc une boîte dans laquelle on met ce qu’on a de plus précieux pour le faire échapper à la mort, au naufrage, pour lui éviter de sombrer ou, tout simplement, pour le mettre en valeur c’est-à-dire pour l’écouter. Il faut une arche pour mettre en lumière ce à quoi on tient. Être confiné dans une tévah, c’est quand même un grand honneur, Noé !
Le lieu du confinement est plus simple. Il s’agit d’un poisson, dag en hébreu, un gros poisson. (Et pas une baleine, ça c’est Pinocchio. Faut-il aussi relire Pinocchio ? )
Effectivement une tévah peut se transformer en galère ! D’où l’importance de travailler sur le projet, le sens, le précieux que nous essayons de sauver personnellement et collectivement. L’eau monte. Il continue de pleuvoir. En face, nous avons la possibilité de nous parler, de nous écrire. Au fait, j’ai oublié de vous dire mais en hébreu tévah a aussi le sens de lettre, de mot. Quand on écrit en hébreu, on écrit avec des boites qui nous permettent de sauver ce à quoi on tient. Le langage entier, la parole est donc une arche dans laquelle il est possible d’habiter !
Voilà de quoi me motiver. Je vous dis à bientôt.
Prenez-soin de vous,
Marie-Laure

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